Les MieleExperiences - Jeanne Meillier,Centre Européen des Textiles Innovants

Dans l’univers de la mode, stylistes et mannequins éclipsent tout sur leur passage. Bien plus rares et discrets, des chercheurs réfléchissent déjà à ce que nous porterons demain. La parole aux « textiliens ».


En quoi consiste votre métier de « Textilienne » ?
Je travaille au CETI (Centre Européen des Textiles Innovants) , au sein du pôle Up-Tex. Nous sommes entièrement dédiés à l’innovation textile. Nos travaux de recherche accompagnent les entreprises dans leur quête de nouveaux produits, de nouveaux procédés et de nouveaux matériaux.


Un tissu, ça semble simple...
Le textile c’est très compliqué. À chaque étape de sa fabrication. Prenons l’exemple, d’un soutien-gorge. C’est un produit qui rassemble jusqu’à 20 ou 30 composants. Il y a une vraie complexité sur le tissu, l’assemblage, la teinte, la dentelle utilisée, les attaches, les élastiques… Un sous-vêtement féminin est un bijou de technologie.

 

Pouvez-vous nous éclairer sur les textiles techniques ?
Les textiles techniques se banalisent. Regardez les étiquettes et vous verrez que les tissus peuvent être respirants, imperméabilisés, antibactériens, antitaches, déperlants ou faciles d’entretien. Sans parler des tissus industriels ou de protection qui sont parfois non feu, qui protègent contre les agressions nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques.

 

À quoi ressemblera le textile du futur ?
Il y a une grosse tendance de fond avec les textiles connectés. On est vraiment au début des applications.


Peut-on parler de « tissus intelligents » ?
Un tissu « intelligent », c’est quelque chose qui a la capacité de rendre un service à son utilisateur. Maintenant, l’intelligence c’est quand même l’humain qui la porte. Nous préférons parler de textile « interactif ». Parce que le tissu va interagir avec son environnement grâce à des commandes qu’on lui a intégrées.


Le linge pourra-t-il communiquer avec le lave-linge, par exemple ?
Grâce aux textiles connectés, on peut imaginer une véritable interaction entre le linge et le lave-linge. Une simple puce RFID (Radio Frequency Identification) intégrée au textile pourra par exemple commander la machine pour un entretien le plus adéquat possible.

 

Depuis combien de temps travaille-t-on sur l’innovation textile ?
Lors de la crise du secteur textile qui s’est fortement délocalisé en Asie, la France a très vite réagi en soutenant l’innovation. Les gens travaillent ici de manière collaborative depuis plus de 30 ans. Nous avons en France une longue expérience de l’innovation textile, une importante longueur d’avance.

 

Quid des questions environnementales ?
Aujourd’hui, l’innovation textile intègre la notion d’économie circulaire, la gestion de la fin de vie du produit. Il faut pouvoir récupérer le vêtement, le défibrer, le traiter de manière durable, lui trouver un nouvel usage et de nouveaux marchés. Nous sommes régulièrement approchés par de grandes marques d’habillement pour travailler sur ces aspects.

 

Vous disiez travailler sur de nouveaux matériaux ?
Nous nous penchons sur des matières inédites tels que la fibre d’ortie ou d’autres matériaux bio-sourcés issus du maïs, du ricin, de la chitine de crabe ou la caséine de lait. Les propriétés ne sont pas encore exploitées pour l’habillement mais il nous faudra anticiper l’entretien de ces nouveaux matériaux, pourquoi pas avec les fabricants de lave-linge.

 

Un exemple de textile digne d’un film de science-fiction ?
Il existe un tissu qui peut renvoyer la lumière et les ondes. Il permet de voir de l’autre côté de la personne, à travers elle. Le textile rend presque invisible celui qui le porte, un peu comme la cape d’invisibilité d’Harry Potter. C’est encore dans les cartons pour des applications militaires, mais ça se développe.